Notre plaidoyer en Indre-et-Loire
En publiant le rapport “Un boulot de dingue !”, le Secours Catholique affirme avec force que les personnes sans
emploi sont loin d’être “inactives”.
Alors que la Loi pour le plein emploi entend toujours plus “activer” et “remobiliser” les personnes en situation de précarité par le renforcement des contraintes, nous voulons rendre visible tout le travail invisible et non rémunéré des personnes hors emploi, montrer combien leur engagement contribuent à humaniser notre société.
Co-écrit avec l’association Aequitaz et issu d’un travail de recherche fondé sur la parole des premiers concernés, ce rapport nous invite à explorer le vaste champ des activités utiles et vitales à la société réalisées par les personnes privées d’emploi. Elles font vivre des réseaux d’entraide et de solidarité à l’échelle d’un immeuble, d’un quartier, d’une ville. Elles sont proches-aidantes d’un voisin, de quelqu’un de leur famille, malade ou en situation de handicap.
Ce boulot de dingue est largement invisibilisé. De quoi expliquer l’injustice ressentie par les personnes du regard porté sur elles et des discours stigmatisants.
Puisse ce rapport servir d’antidote au poison de la division et des clichés sur “les assistés” et “les inactifs”. Et puissent les responsables politiques s’emparer de la voie que ce rapport permet de tracer, vers une reconnaissance et une valorisation de ces activités essentielles.
L’ouverture du RSA aux plus de 18 ans
Le RSA doit pouvoir être accessible le plus automatiquement possible, afin de lutter contre le non-accès aux droits et le non-recours.
Le fait que le non recours au RSA soit de l’ordre de 35 % doit questionner les pouvoirs publics. Dans cet esprit, cette prestation pourrait être versée « à la source ».
Par ailleurs, le Secours Catholique plaide pour un Revenu minimum ouvert aux jeunes dès 18 ans, en fonction de leurs ressources.
Seuls 4 pays au sein de l’Union européenne n’ont pas encore de revenu minimum ouvert aux jeunes dès leur majorité. La France en fait malheureusement partie.
Or les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté.
Les ravages de la dématérialisation
La fermeture des points d’accueil du public et la dématérialisation des procédures concernent l’ensemble des services publics et compromettent l’accès aux droits de nombreuses personnes en situation de précarité, seules face à des interfaces web complexes et sans possibilité de recours lorsque les démarches en ligne ne peuvent aboutir.
Pourtant, malgré les interpellations associatives et les recommandations de la défenseure des droits, les autorités poursuivent leur plan de dématérialisation à marche forcée.
Cette grande enquête est née de l’intuition forte du réseau des acteurs prison-justice : la prison serait un « parking à pauvres » qui rassemble les exclus parmi les exclus.
Une grande enquête a été lancée en partenariat étroit avec Emmaüs-France, afin de répondre, entre autres, aux questions suivantes :
- En quoi, comment et jusqu’à quel point ce sont surtout des pauvres qui basculent en prison ?
- Comment ce « séjour » aggrave-t-il leurs pauvretés ?
- Dans quel état en sortent-ils, sur le plan matériel, financier, spirituel, en confiance en l’avenir ?
- Comment les 100.000 personnes qui sortent chaque année des prisons françaises sont-elles accueillies ?
- Quels seraient les leviers de plaidoyer qui pourraient, à partir de leur parole, améliorer cette situation de
gâchis humain ?
Le rapport a recueilli près de 1200 questionnaires et interviews de personnes détenues (ou fraîchement sorties de prison). Ce rapport formule 25 propositions concrètes pour favoriser le pouvoir d’agir, la réinsertion et l’auto-détermination des personnes qui ont traversé l’incarcération. Ces recommandations visent, un meilleur accompagnement des personnes incarcérées, l’amélioration des conditions de vie en prison et l’adoption de solutions alternatives à l’incarcération pour les peines de courte durée. L’objectif ? Aider les personnes détenues à reprendre en main leur destin, retrouver un toit et un revenu, afin qu’elles puissent assumer à nouveau, et dans la dignité, les réalités et responsabilités de la vie à l’extérieur de la prison.
La parole collective des femmes collectée dans ce rapport livre un premier enseignement : notre société a de la chance. La chance de pouvoir s’appuyer sur des femmes qui, malgré l’adversité, se battent au quotidien, avec courage, s’interdisant de baisser les bras. Elles ne le font pas tant pour elles-mêmes que pour les autres. « Quand je prends du temps pour moi, j’ai l’impression d’être égoïste ». Ces femmes témoignent d’un dévouement total, jusqu’à sacrifier leurs besoins vitaux : « Même si je ne mange pas, l’essentiel, ce sont mes enfants. »
L’inégalité entre hommes et femmes ne faiblit pas. Les femmes sont devenues majoritaires à pousser la porte de notre association (57,5% en 2022, contre 51% en 1989). Celles qui travaillent sont moins bien payées, plus souvent à temps partiel subi, et leurs carrières hachées se traduisent par de faibles retraites. Si les femmes font davantage appel au Secours Catholique, c’est aussi parce que, neuf fois sur dix, ce sont elles qui assument la charge des enfants quand les couples se séparent. Elles encore qui portent majoritairement la charge mentale, les courses, les repas, les papiers, les soins...Contre toute évidence, 62% des femmes que nous rencontrons sont considérées comme « inactives » d’après les catégories statistiques.
Cette dichotomie actifs/inactifs structure les représentations et les politiques publiques. Aux premiers, on devrait la reconnaissance, la rémunération décente, la protection. Aux seconds, l’obligation de se justifier en permanence.
81% des femmes « inactives » rencontrées vivent dans l’extrême pauvreté. Des femmes souvent victimes de maltraitance institutionnelle alors qu’elles prennent soin des liens vitaux, des liens sociaux.
Le Rapport préconise de garantir les principes de non-discrimination et de présomption de minorité.
La protection doit être garantie à tout enfant «sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ».
Ce principe de non-discrimination impose aux Etats de mettre en œuvre une politique de protection de l’enfance identique à l’égard de tous les enfants en danger, quelle que soit leur nationalité.
Par ailleurs, dès lors qu’une décision de refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance (ASE) est prise par un conseil départemental, les personnes dont la minorité est contestée se retrouvent exclues de toute forme de protection, même dans l’hypothèse où la justice des enfants est saisie.
Pour que ce principe devienne effectif, un jeune se présentant comme mineur doit être considéré comme tel jusqu’à ce qu’une décision de justice soit rendue.
Cela implique que le jeune soit pris en charge par la protection de l’enfance durant toute la procédure judiciaire et que le bénéfice du doute lui soit accordé.
Le droit à l’alimentation est le droit de toute personne, seule ou en communauté avec d’autres, d’avoir physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante, adéquate et culturellement acceptable, qui soit produite et consommée de façon durable.»
Dignité et ouverture à tous
Un projet garantissant des conditions de fonctionnement dignes : un accueil convivial, un accueil inconditionnel de toutes et tous pour éviter toute stigmatisation, le libre choix de son alimentation, l’accès à une alimentation durable et équilibrée, le respect des cultures et habitudes alimentaires.
Territoire
Un projet ancré localement, en partenariat avec les acteurs du territoire, qui contribue à son dynamisme et favorise le lien social.
Durabilité
Un projet privilégiant des produits de bonne qualité, respectueux de l’environnement et permettant une juste rémunération des productrices et producteurs.
Participation
Un projet collectif et participatif, qui permette l’implication de l’ensemble des acteurs, de l’élaboration au fonctionnement du projet.
En France, être sans voiture dans les territoires ruraux, c’est synonyme de renoncement, de précarisation, voire d’isolement social complet, car c’est toute la vie quotidienne qui est affectée : l’accès aux soins, à l’emploi, aux loisirs, à l’alimentation, etc. Cette spirale n’est pas le fruit du hasard mais la conséquence de choix d’aménagement du territoire, depuis des décennies, qui ont rencontré une demande sociale au profit de la voiture individuelle et au détriment d’alternatives accessibles et efficaces, et qui ont abouti à l’allongement des distances à parcourir.
En choisissant d’investir massivement dans les infrastructures de transport routier et en concentrant les activités et les services dans les plus grandes agglomérations, notre système de mobilité a créé la désertification des territoires ruraux et l’isolement de leurs habitants. A commencer par celles et ceux qui n’ont pas les moyens de financer une voiture individuelle. La mobilité dans les territoires ruraux est aussi un enjeu écologique majeur. Il faut donc aider les personnes de ces territoires à se déplacer sans les culpabiliser.
Les ateliers pour le Monde d’Après ont été menés du 25 mai au 30 juin 2020. Quinze ateliers se sont déroulés à Tours, un atelier a été proposé à Château-Renault, dans le nord du département. 114 personnes ont pris part à ces séances de 2h30 chacune. L’objectif : rassembler bénévoles du Secours Catholique, associations partenaires, personnes en précarité, étudiants, citoyens, et toute personne concernée par le sujet pour penser ensemble des actions pour demain. Identifier les erreurs du passé, imaginer des alternatives pour une relance écologique, sociale, économique, citoyenne… L’ensemble des propositions a été recueilli. La réflexion sera poursuivie en 2020 et 2021 afin d’approfondir les premières pistes et aboutir à des actions concrètes.
Plus belle la vie fraternelle, le making-of
Le samedi 10 octobre 2020 a été une superbe journée. Frédéric, notre photographe bénévole avait tout installé dans le sous-sol de nos locaux de la rue de la Fuye. Projecteurs, lumières adaptées, réflecteurs… Tout le matériel de studio pour des prises de vues professionnelles était là.
Nos deux modèles, Florence et Mérita se sont rencontrées pour la première fois. La complicité a été immédiate malgré la barrière de la langue.
Toutes deux ont joué le jeu des poses, des meilleurs profils avec une grande joie. Le moment émouvant a été lorsque Mérita a mis le stéthoscope autour de son cou. Un geste autrefois naturel pour le médecin qu’elle était en Albanie. Un moment fort pour retrouver son statut de soignante. Florence bien évidemment lui a laissé en cadeau, espérant qu’elle puisse un jour, pas trop lointain, se remettre au service des patients…
Mérita, albanaise, médecin sans -papiers
“J’ai 59 ans. En Albanie, j’étais médecin généraliste. Quand j’avais 3 ans, mes parents sont morts dans un accident d’autobus. J’ai été élevée par mes grands-parents. Très bonne élève, j’ai choisi ce métier pour sauver des vies. Lors de mes études à Tirana, j’ai rencontré mon futur mari, qui était ingénieur en mécanique. On a eu deux garçons. Devenue médecin de famille à Tirana, j’ai aussi travaillé aux urgences de l’hôpital et créé une association pour aider les femmes dans le besoin. En 2010, mon mari, qui était maire démocrate, candidat pour être député et engagé pour dénoncer la corruption du gouvernement, a été assassiné. Nous avons subi des pressions et j’ai pu faire partir l’un de mes fils en Italie où il est devenu ingénieur en bâtiment. Je suis restée avec le plus jeune en Albanie jusqu’en 2014 mais j’ai dû partir aussi. En décembre, je suis arrivée en France, à Tours. J’ai beaucoup de problèmes de santé, aux dents, au cœur, une tumeur à l’oreille… J’ai dû me faire opérer deux fois depuis mon arrivée. J’ai aussi été hospitalisée en avril 2020 à cause de la Covid 19. Je n’ai toujours pas de papiers ni de logement.”
Florence, française, médecin urgentiste
“Mon mari et moi étions étudiants, en fin d’internat de médecine, lorsque nous avons eu les premiers contacts avec le Secours Catholique de Montigny le Bretonneux que ma tante et mon oncle dirigeaient. Nous avions du mal à assumer notre petit loyer francilien et notre quotidien, et avions une furieuse envie de ne pas dépendre de nos parents. Les bénévoles du Secours Catholique nous ont immédiatement mis à l’aise. Lorsque mon époux est parti en service militaire l’année suivante, en parallèle de mes premiers remplacements et de l’arrivée de notre premier enfant, le Secours Catholique est resté ouvert et accueillant. Notre aîné et ensuite notre second garçon ont été très correctement vêtus, nous n’avons jamais eu le sentiment de les habiller de vêtements de seconde main ou usagés.”